De nombreux planétologues pensent que Mars a pu
connaître une activité biotique, même
limitée. Aujourd’hui, cette jumelle de la Terre a une
température moyenne de surface égale à –53°C.
Son atmosphère, très ténue (la pression au sol est
de six millibars au lieu de 1000 sur Terre), est composée
principalement de dioxyde de
carbone, d'azote et de molécules oxydantes très
agressives. Mars
est un environnement froid, sans eau liquide, fortement oxydant et
irradié… où il semble difficile d’envisager l’existence
d’une forme de vie similaire à celles que nous connaissons sur
Terre, même dans les milieux les plus inhospitaliers.
Pourtant, les planétologues pensent qu’au
début de leur histoire, il y a quatre milliards et demie
d’années, Mars et la Terre ont pu connaître une
évolution similaire. Il est même possible que Mars ait
développé plus vite que la Terre un environnement
favorable à la vie. Celui-ci n’aurait pas perduré, en
raison de la disparition de l’atmosphère de la planète,
cette dernière étant trop petite pour que son champ de
gravitation ne la retienne.
Quels indices plaident en faveur du développement d’une chimie
biotique ou prébiotique sur Mars ?
Sur la base d’une comparaison entre les géomorphologies
terrestre et martienne, puis plus directement sur la base des analyses
réalisées au cours des nombreuses missions martiennes,
les scientifiques ont acquis la certitude qu’au début de
l’histoire de la planète, de l’eau a coulé sur Mars. Sa
présence passée a été notamment
confirmée par les résultats des
observations réalisées par les robots Opportunity et
Spirit, actuellement en campagne sur la planète rouge, et la
sonde Mars express, actuellement en orbite.
Or, la présence d’eau liquide indiquerait que la
température moyenne de Mars était supérieure
à 0 °C, ce qui n’est possible que si la planète avait
une atmosphère suffisamment dense pour engendrer un effet de
serre. Nous pensons que l’atmosphère martienne primitive
était semblable à celle de la Terre, aussi bien en terme
de densité que de composition chimique. Si, par le passé,
les conditions environnementales de Mars et de la Terre étaient
voisines, il est envisageable que les réactions chimiques
spontanées qui ont provoqué l’apparition des premiers
organismes sur Terre, il y a quatre milliards d’années, se
soient également produites sur Mars.
Or, sur la planète rouge, aujourd’hui quasiment inerte, la
circulation et le renouvellement des espèces chimiques sont
moins intenses que sur la Terre. Il est donc envisageable que l’on
trouve sur Mars des traces d’une vie embryonnaire. Dans les
années 1970, lors des missions Viking, des expériences de
chimie in situ ont tenté de mettre en évidence ces
hypothétiques traces. Après quelques semaines d’euphorie,
les seules réponses positives des expériences ont
finalement été attribuées à des processus
chimiques trop simples pour être le signe d’une présence
de la vie. Ce résultat a eu pour conséquence de ralentir
le programme d’exploration de la planète rouge. Mais dans les
années 1980, des météorites ont été
découvertes en Antarctique. L’analyse détaillée de
ces météorites, particulièrement de leur
composition isotopique en oxygène, a permis de démontrer
leur origine martienne dans les années 1990. Dans ces
météorites, d’étranges traces ont
été observées, que certains biologistes ont
interprété comme des signes d’une ancienne vie
bactérienne martienne. Il est bien sûr délicat de
garantir l’origine extra-terrestre de ces organismes ; toujours est-il
que la découverte de ces traces a dynamisée
l’intérêt des scientifiques pour Mars et pour la question
de savoir pourquoi la sonde Viking n’avait pas détecté de
traces d’une vie primitive. L’hypothèse selon laquelle des
radicaux oxydants d’origine photochimique auraient pu détruire
les éventuelles traces de matière organique
située à la surface et dans les premières couches
du sol martien a été avancée. Si l’on suppose que
les composés organiques éventuellement
synthétisés sur Mars au début de l’histoire de la
planète ont été oxydés, quelles sont
aujourd’hui les chances d’en détecter la trace ? Si l’on tient
compte de la diffusion d’oxydants dans le sol, du remaniement permanent
du sol par les météorites qui peuvent favoriser cette
diffusion et du fait que les composants minéraux du sol martien
peuvent piéger ces oxydants, les estimations les plus optimistes
indiquent que des composés organiques non oxydés
pourraient se trouver à quelques dizaines de centimètres
sous la surface.
Le chimiste Steven Benner, du Département de chimie, anatomie et
biologie cellulaire de l’Université de Floride à
Gainesville, avance un autre scénario. Celui-ci se fonde sur la
possibilité d’un apport de matière organique par des
impacts de météorites, un phénomène
largement admis par les scientifiques. Steve Benner a ensuite
montré que les éventuels produits de dégradation
de cette matière organique par des oxydants et par le
rayonnement ultraviolet solaire, ainsi que les espèces stables
vis-à-vis de ces dégradations, n’auraient pas pu
être détectés par la sonde Viking,
programmée pour rechercher des composés beaucoup plus
volatils. Rien n’exclut donc la présence de molécules
organiques moins volatiles, en surface et dans le sous-sol martien. Il
était donc essentiel de retourner sur Mars pour rechercher des
composés organiques, et leurs produits de dégradation,
signes d’une activité biologique présente ou
passée. Les deux robots de la
Nasa, Spirit et Opportunity, qui parcourent actuellement le sol
martien, sont essentiellement des « géochimistes ».
Ils sont programmés pour rechercher et caractériser une
large palette de sols et de roches qui détiennent les preuves
d’une activité passée de l’eau sur Mars. Quant à
Mars Express, la sonde européenne placée en orbite autour
de Mars en décembre 2003, elle a mis en évidence la
présence d’eau et de méthane. De leur côté,
les exobiologistes devront patienter encore un peu. En 2011, la mission
Mars Science Laboratory explorera la surface et la sous-surface
martienne durant deux années entières, avec un robot
motorisé de 600 kilogrammes. À travers l’étude de
la composition détaillée de l’atmosphère et
d’échantillons de sols et de sous-sols, les scientifiques
espèrent lever l’incertitude sur l’existence d’une chimie
prébiotique, voire d’une apparition de vie sur Mars, peu
après la formation de cette planète. À la suite de
cette campagne d’exploration, il est prévu pour la
période 2016-2020 une mission conjointe de la NASA et du CNES,
Mars Sample Return, dont l’objectif est de ramener sur Terre des
échantillons de sol martien pour une analyse géologique
et biologique en laboratoire. Actuellement, les discussions
préparatoires de la mission tournent autour du problème
de la conservation des échantillons pendant le voyage du retour
et leur éventuelle contamination par des composés non
martiens.
Nous l’avons vu, notre connaissance des origines de la vie reste
parcellaire. Sur la Terre, trop d’événements se sont
produits depuis l’apparition de la vie, pour que les premières
réactions chimiques prébiotiques aient laissé des
traces. Nous tourner vers l’espace, où d’autres mondes que le
nôtre sont le siège d’une chimie complexe d’essence
prébiotique ou portent les traces passées d’une vie
à l’état embryonnaire, nous aident à mieux
apréhender la source du vivant que nous connaissons. En ce qui
concerne Mars, bien que cette planète soit aujourd’hui
inhospitalière et quasiment privée d’atmosphère,
les astronomes pensent qu’elle a probablement abrité des formes
de vie primitives, ou au moins une chimie prébiotique.
Contrairement au cas de la Terre, la relative inertie de Mars a
peut-être permis la conservation de traces des origines de la
vie.
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